Récit de Sophie, étudiante de 3ème année en stage Movetia/Erasmus au Guatemala
Voici maintenant trois semaines que j’effectue mon stage auprès des Bomberos y Paramedicos de Santa Isabel, dans la municipalité de Villa Nueva, au Guatemala.
Ma première semaine de stage m’a permis de prendre pleinement conscience de la toute autre réalité dans laquelle le métier d’ambulancier-ère est exercé ici. Bien évidemment, la physiopathologie, la logique et l’intention sont identiques. Cependant, tout cela prend place dans une réalité que je ne pouvais imaginer avant de m’y confronter. Dans les situations les plus délicates, elle a impliqué des choix stratégiques qui m’étaient inconcevables, tel que réduire à néant les chances de bon devenir d’une personne souffrant d’un AVC afin de tenter de réanimer une enfant. Ma foi, la réalité peut ici imposer un pragmatisme extrême.
La plupart du temps, les prises en charge s’enchaînent, que ce soit des interventions préhospitalières ou des transports pour les patient-e-s venu-e-s consulter à la clinique de la centrale. Ainsi, il arrive ponctuellement qu’en route pour l’hôpital avec un-e patient-e, nous nous arrêtions pour évaluer, si nécessaire soigner et transporter une autre personne dans le besoin. J’ai alors vu le regard douloureux et préoccupé d’une femme à la clavicule fracturée se remplir de compassion, alors qu’elle cédait sa place sur le brancard à un homme souffrant d’une plaie du scalp suite à un accident de la route.
En matière de logistique, la réalité est également bien différente. Il faut savoir que la centrale de Villa Nueva est très probablement la mieux équipée du pays. Dans l’ambulance, je retrouve la quasi-totalité du matériel et des médicaments nécessaires à l’application des protocoles de la CORFA et plus encore. Néanmoins, les stocks sont maigres. Je me suis donc habituée, une fois le-la patient-e installé-e à l’hôpital, à récupérer le matériel utilisé, qu’il s’agisse d’attelle ou encore de masque ou lunettes à oxygène. Une fois en centrale, le rétablissement du matériel utilisé est alors remplacé par la désinfection de ce dernier.
Lorsque ce sont les médicaments qui manquent, si la situation socio-économique du patient le permet, il est proposé à la famille d’acheter le traitement nécessaire en pharmacie afin que nous puissions l’administrer. Si c'est impossible, le maximum est fait, éventuellement à l'aide de "système D", et le temps est pris pour transmettre des consignes d'hygiène, d'alimentation et parfois aussi des "remèdes de grand-mère".
Toutes ces différences me font, par moments, me sentir bien loin de chez moi. Je m’habitue à certaines d’entre-elles progressivement et il y en a d’autres auxquelles je ne me ferai jamais. Malgré tout, le temps et l’équipe qui m’entoure me permettent d’évoluer avec sérénité. Je vous en dirai d’ailleurs plus à leur sujet dans mon prochain récit.
À bientôt,
Sophie Dubail
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