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Regards croisés sur le triage préhospitalier.

  • Photo du rédacteur: Florian Ozainne
    Florian Ozainne
  • 10 nov.
  • 3 min de lecture

Introduction

Voici un deuxième témoignage du vécu de ces stages à l'étranger par Livia Haegi en stage au Canada. Il questionne les différences culturelles et organisationnelles du triage et du coût du transport ambulancier en Ontario.

Deux paramedics dans une ambulance de nuit

L'impact du système de tri et du coût d'une ambulance sur le type d'intervention.


" Comme mentionné dans notre précédent post, ici en Ontario, les appels sont classifiés par couleur. Les mauves sont réservés aux arrêts cardio-respiratoires en cours ou imminents. Les rouges correspondent à un niveau d’urgence nécessitant l’envoi immédiat d’une ambulance : nous partons alors avec les sirènes et les feux d’urgence. Les oranges, jaunes et verts représentent des niveaux d’appel moins critiques, qui ne nécessitent pas de départ en urgence (certains appels verts peuvent d’ailleurs attendre plusieurs heures avant d’être pris en charge).

Cependant, le dispatch ici n’est pas géré par des professionnels de la santé. Les opérateurs se basent donc sur des mots-clés pour évaluer la gravité d’un appel. De plus, le coût d’un transport en ambulance est d’environ 45 dollars canadiens (~25 CHF), ce qui rend parfois un transport médicalisé littéralement moins cher qu’un taxi.

Le problème que j’ai rencontré le plus souvent ici concerne donc des appels de haute priorité — pour lesquels nous prenons des risques sur la route en roulant en urgence — qui se révèlent finalement être tout sauf des cas instables.

Par exemple, toute dyspnée ou gêne thoracique, quelle qu’en soit la durée ou l’intensité, doit être classée en priorité rouge. De même, tout appel mentionnant qu’une personne s’étouffe est automatiquement classé mauve.


Voici quelques exemples d’appels et les cas cliniques que nous avons découverts sur place :

Priorité rouge — “breathing problem”. Une dame est assise dans son canapé, eupnéique, sans antécédent respiratoire,  sans dyspnée, et avec une bonne saturation. Elle rapporte, depuis quelques jours, une gêne dans la gorge, surtout lors de la déglutition .Aucune autre plainte. La patiente demande simplement un transport à l’hôpital.


Priorité mauve — “patient is choking”. Cela fait maintenant 12 heures que le patient a quelque chose coincé dans la gorge. Il parle et respire normalement.


Priorité rouge — “breathing problem”. La patiente dit faire une crise d’asthme. Aucun signe clinique perturbé, auscultation claire. Elle ne souhaite pas être transportée à l’hôpital mais a appelé l’ambulance simplement pour demander combien de puffs de Ventolin elle devait prendre, car elle ne s’en souvenait plus.

Un paramedic devant une ambulance

Ces cas ne sont que quelques exemples marquants, mais j’ai constaté des situations similaires à chacun des shifts que j’ai effectués.

Il en va de même pour les coûts d’une prise en charge préhospitalière : bien que je puisse constater des bénéfices en termes d’accessibilité des soins pour tous, nous avons reçu un grand nombre d’appels — y compris de priorité plus basse — pour lesquels un transport en ambulance n’était clairement pas nécessaire. Certains patients le disent d’ailleurs ouvertement : " Je ne veux pas que vous me traitiez, je veux juste un transport à l’hôpital."


Commentaires des enseignants référents des stages Erasmus.

Cette expérience en Ontario permet de prendre conscience de l’influence des choix organisationnels et économiques sur la pratique préhospitalière.


Dans un contexte où le coût du transport est faible, l’accessibilité aux soins est facilitée, mais la pertinence clinique des interventions peut parfois être questionnée.

À l’inverse, en Suisse, les coûts plus élevés des soins et du transport peut conduire à une utilisation plus raisonnée des ressources, mais peuvent aussi constituer une barrière financière pour certains patients.


Entre ces deux modèles, aucun n’est parfait : chacun reflète des valeurs sociétales différentes, qu’il s’agisse de l’accessibilité universelle ou de la responsabilisation individuelle face au coût des soins.


Comprendre ces contrastes, c’est enrichir notre pratique et élargir notre regard sur ce que signifie « répondre à une urgence » dans différents contextes culturels.


Un étudiant qui poutz un LP 15

Comme le souligne Otten (2003), l’apprentissage interculturel ne se résume pas à la découverte d’un autre système de santé, mais engage un processus réflexif plus profond. Confronter sa propre pratique à d’autres logiques organisationnelles, à d’autres rapports au soin, c’est aussi interroger sa propre identité professionnelle. Cette confrontation, parfois déstabilisante, devient une ressource formatrice : elle permet de reconnaître que chaque système de santé traduit des choix culturels, sociaux et politiques qui orientent différemment la notion même de « bonne pratique ».


Pour le bureau des relations internationales de l'Esamb.

Florian Ozainne


Référence :


Otten, Matthias. (2003). Intercultural Learning and Diversity in Higher Education. Journal of Studies in International Education - J STUD INT EDUC. 7. 12-26. 10.1177/1028315302250177.


Walker, S. B., & Rossi, D. M. (2021). Personal qualities needed by undergraduate nursing students for a successful work integrated learning (WIL) experience. Nurse Education Today, 102, 104936.


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