Présentation
Alain 24 ans, originaire d’Alle (JU) & Mathias 23 ans, de Genève. Nous sommes tous les deux étudiants ambulanciers en troisième année à l’école de Genève. Depuis notre entrée à l’ESAMB nous avions l’envie d’effectuer notre premier stage de dernière année à l’étranger. Nos motivations personnelles sont différentes mais se rejoignent sur un point, l’envie de découvrir notre future profession dans un pays où sa pratique est totalement différente. Pour trouver un contact sur place afin de faciliter la préparation du stage, Florian Ozainne, enseignant à l’ESAMB, a recontacté d’anciennes connaissances et amis. Après plusieurs mails échangés durant six mois, nous arrivons enfin à notre but, une rencontre via Webex avec le Dr Shawky, le médecin et responsable de l’entièreté du préhospitalier libanais. Cet appel vidéo est concluant et nous apprenons que nous sommes les bienvenues pour effectuer notre stage au sein de la Croix-Rouge libanaise (LRC).
Dimanche 20 août
C'est le grand jour. Après avoir bu un dernier café avec nos proches, nous voilà devant notre porte d’embarquement, prêt à prendre nos places dans l’avion. C’est là qu’Alain se confie sur sa peur de l’avion à son voisin de siège, Alex, un suisse soixantenaire, qui a vécu vingt ans au Liban. La discussion démarre immédiatement et nous avons eu droit à une présentation express du pays, avec en prime des adresses pour découvrir de beaux paysages ou pour goûter de bons vins.
Après un vol calme, nous arrivons à l’aéroport de Beyrouth. Une vingtaine de minutes d’attente avant le contrôle de notre visa, quelques questions et nous retrouvons Joseph, membre de la LRC depuis plus de vingt ans. Il va nous emmener à notre appartement. Une fois installés, nous partons parcourir la ville. L’heure du repas arrive, nous trouvons un joli restaurant et à la fin de notre repas, nous vivons notre première coupure de courant. Les lumières s’éteignent, laissant les lampadaires de la rue nous éclairer à travers les vitres, la musique cède sa place aux discussions des autres clients, et nous, nous nous regardons en rigolant et en se disant que notre aventure va être belle.
Lundi 21 août
Après une courte et (très) chaude nuit, oui, car pas d’électricité veut dire pas de clim…, nous prenons la route en direction des bureaux du EMS dept de la Lebanese Red Cross, où le Dr Shawky et toute son équipe nous attendent.
Après un peu plus d’une heure de présentation du fonctionnement et des livres de formation d’environ 400 pages par niveau, nous en savons davantage. Les ambulances se composent d’un équipage de 4 à 5 personnes :
• Le First Responder (FR) / le bleu – il apprend, fait quelques gestes et s’occupent principalement de la relève.
• Le EMT / l’éclaireur – il est en charge du patient, c’est le seul qui échange avec lui.
• Le Mission Leader (ML) / chef de mission – en charge de toute l’équipe (il était avant éclaireur) - se charge de la communication avec les témoins et récolte les informations.
• Le Driver / l’ambulancier, c’est le plus expérimenté de l’équipe. Il a parcouru tous les postes précédents, avant de pouvoir conduire l’ambulance. Il doit presque faire une année de formation à la conduite et retenir près de 20 lieux du secteur, car les noms de rues et les numéros n’existent pas vraiment ici.
Manala nous présente ensuite comment est géré le stock, elle en est la responsable pour l’intégralité du pays, il contient plus de 200 références. Impressionnant de voir cet entrepôt avec des palettes qui montent jusqu’à six mètres du sol: un stock de blouses, de tyvek et de masques pour 6 mois, du matériel d’immobilisation, des civières à aubes en passant par les brancards, une vraie caverne d’Alibaba.
La conception des ambulances fait partie de ses attributions. Des vans utilitaires sont transformés au Liban pour devenir des ambulances. À la suite de la COVID et la montée des cas de choléra, chacune d’entre elles, ou presque (~ 280 sur 350), sont équipées d’un système de pression négative dans la cellule arrière.
Suite de la visite au dispatch pour la région de Beirut et Mount-Lebanon: huit personnes se relaient, sur des shifts de vingt-quatre heures. Les professionnels disposent d’un système d’engagement récent avec un système d’aide à la décision triant les interventions en trois catégories (P1-2-3). Nous avons été surpris par le travail de deux personnes qui sont dans une petite salle, et rappellent environ un quart des personnes ayant été transportées afin de faire des statistiques de qualité. Nous avons également découvert la fiche d’intervention, elle est électronique et se fait sur une tablette. En cas d’ACR, différentes informations sont à remplir, créant des statistiques sur des critères similaires à ce que nous faisons avec SwissReca.
Les photos du dispatch et du dépôt ne sont pas autorisées car ces lieux sont considérés comme sensibles. (source : Croix-Rouge libanaise)
Mardi 22 – Mercredi 23 – jeudi 24
Afin de ne pas surcharger l’article, nous allons faire un résumé de nos trois premiers jours de « permanence ».
Nous sommes arrivés à 17h30 devant ce beau bâtiment d’architecture libanaise typique et sa grande porte rouge. Les ambulances sont garées dans la rue et les équipes sont occupées à faire le Check. Nous sommes accueillis par l’un des plus vieux volontaires de la station (Nadim, dit Boumé, 26 ans). Après une introduction sur l’histoire de la station et une visite de celle-ci, nous sommes directement intégrés à l’équipe. Les questions débutent : « être ambulancier est un métier ? », « combien de temps dure la formation », « est-ce que l’on conduit l’ambulance ? », « quels sont les gestes que nous pouvons pratiquer ? » Mais le plus grand étonnement est lié au fait que nous sommes que deux dans l’ambulance, ainsi vient la question favorite : « comment faites-vous pour la relève ??? ».
La rue de Gemmayzeh, où se trouve la station 102 et les ambulances qui se trouvent dans celle-ci.
Nous passons nos nuits à découvrir le mode de fonctionnement, le rôle de chacun lors de l’intervention et surtout les relèves à la chaise dans des immeubles aux escaliers étroits et détériorés. C’est aussi la première semaine des « bleus ». Il s’agit donc de leurs premières interventions. Dans une équipe très motivée, leur apprentissage continue avec des cours (d’env. 30 minutes) qui sont fait chaque soir par les EMT. Quelques AVP, des chutes, des baisses de l’état général, des bradycardies et des retours à domicile, ont composés nos premières trente-six heures de gardes à Beyrouth.
La station 102 est la plus proche du port, environ 500 mètres à vol d’oiseau, elle a donc subi le blast du 04 août 2020 lors de l’explosion du port. Heureusement, aucun secouriste n’a été blessé physiquement ce jour-là. Mais il aura fallu deux ans de travaux pour rénover l’intégralité de la station. Ce drame a grandement marqué les volontaires. Nous avons abordé le sujet avec certains d’entre eux et ils sont presque unanimes: pour eux ce qui s'est passé ce jour-là n’était pas la réalité.
Cet article n’aborde pas l’hospitalité sans faille de la part des Libanais. Mais une chose est certaine, le contact s’est fait immédiatement et sans retenue. Durant le week-end, nous avons été invités par des personnes de la station 102 à un concert et à un barbecue. Nous vous conseillons aussi d’aller lire les articles de Saman ainsi que ceux de Quentin et Aurélien qui étaient présents à notre place il y a quelques années et qui ont très bien résumé comment les choses se passaient.
À bientôt pour la suite de notre aventure, Mathias aka Mathiaz et Alain aka Alainpss
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